"M'sieur Louis" centenaire !

Imprimer

Envoyer

Réagir

Décédé depuis 26 ans, Louis Dugauguez semble toujours bel et bien présent surtout lorsque le nouveau stade de Sedan est évoqué. Il n'a pas connu cette "consécration" que peut-être il n'aurait pas souhaité...
Fils de Marceau, mineur de fond et de Irma qui tenait un estaminet juste en face du carreau de la mine à Mazingarbe, il a eu deux frères Georges le cadet, décédé prématurément et Claude qui collaborera pour notre journal mais aussi une s?ur prénommée Edith.
La famille étant évacuée lors de la guerre 14-18, il ne verra pas le jour au pays des Chtis mais elle retournera dans cette cité ouvrière laborieuse du Pas-de-Calais.
Enfant, il use ses fonds de culotte à Bully-les-Mines où déjà il tape dans un ballon puis c?est au Stade Béthunois avant de revêtir la tenue de... bidasse à Douai. Il va aussi porter le maillot du RC Lens, Toulouse -en pro- et l?US Carvin quand il retrouvera sa région natale.

Puis, c'est le mariage avec Andrée, postière, laquelle devient chargée de famille.
Il suit des cours de professorat de... gymnastique et il est nommé instituteur en 1942 puis directeur d'école à Carvin qu'il ne quittera qu'en 1948 le jour où Sedan...
Président de l'US Ruch de Carvin, Fernand Warembourg est aussi démarcheur pour les industriels du textile et régulièrement il se rend dans les Ardennes notamment à Sedan, au "Mouton d'Or", usine chère aux frères Laurant. Et il vint à évoquer un certain...
C'est ainsi que Louis Dugauguez, allant à l'encontre du conseil paternel, débarque, en août 1948, dans la cité du drap pour y disputer un match amical entre Carvin et Sedan.

Entraineur frais émoulu d'un stage à Roubaix d?où il est sorti major, il continue néanmoins de jouer - "inter" disait-on à l'époque- avec les Chrétien, Mathieu, Roman, Kuzmir, les frères Carpentier et consorts. Rapidement, sur le terrain, "la patte Dugauguez" se fait sentir.
Devenu directeur commercial aux Draperies Sedanaises, il côtoie quotidiennement des partenaires de jeu mais aussi "Monsieur Lucien" et "Monsieur Maurice", soit les Laurant, débauchés par le "Père Trubert" venu auprès d?eux afin qu?ils mettent la main à la poche lors de la création de l?Union Athlétique Sedan Torcy ce qu?ils firent bien volontiers.
Une sacrée aventure peut commencer pour celui qui raccroche définitivement les crampons en janvier 1953.

Du banc de touche, cigarette aux lèvres, ou bien dans le vestiaire, il houspille les uns et les autres, sans ménagement.
Type entier d'un charisme énorme et peu commode, Louis Dugauguez va obtenir des résultats tant chez les amateurs que chez les pros. En championnat comme en coupe de France. Du coup, l'Union Athlétique Sedan-Torcy fait les gros titres des journaux mais il ne s'en glorifie jamais. C'est sa nature...
Il a du flair aussi ce baroudeur pour remarquer "un bon" joueur, footballeur ouvrier ou pro intégral, et s'entourer d'hommes de confiance.

Ah le "Père Tissot" (le docteur du club), Pierre Vautelet, Gaëtan Chrétien, Claude Brény, tous valeureux compagnons perpétuellement à ses côtés.

En juin 1963, il éprouve le besoin de souffler quelque peu et cède son poste d'entraineur à Jules Vandooren tout en allant voir les jeunes pousses de l'Ecole de Foot dirigée par Maurice Christophe.
La saison suivante, il revient aux affaires pour parvenir une nouvelle fois en finale de Coupe de France.
C'est alors que Fernand Sastre, le grand patron du foot français, vient à Sedan le convaincre de prendre les rênes de l'Equipe de France. Il succède à Just Fontaine. Le coach sedanais a déjà oeuvré chez les "Amateurs", "Espoirs" et "B". Il impose Jean-Claude Pêcheux, déjà près de lui à Sedan, comme kiné !
Mais, les résultats ne sont pas là, la presse nationale lui tombe sur le dos alors que Daniel Ferrières, dans les colonnes de "L'Ardennais", le soutient mordicus.

En novembre 1968, suite à un ultime échec 0-1 face à la Norvège, il rend son tablier de sélectionneur national. Tout naturellement, "le Père Louis" retrouve "son" Sedan qu'il n'a, à vrai dire, jamais quitté.
Sa non-réussite à la tête des Bleus n'a pas altéré sa notoriété, pour preuve l'Olympique de Marseille et Nancy le sollicitent mais il a décidé de ne plus quitter les siens.
Les saisons s'écoulent alors que le CSSA a remplacé l'UAST et c'est le samedi 11 juin 1977 que Louis Dugauguez s'assoit une dernière fois sur le banc du stade Emile-Albeau lors d'une mémorable "Fête du Football" réunissant plusieurs joueurs ayant été sous ses ordres.

Bourru mais ayant bon coeur, "M'sieur Louis" embrasse au vestiaire un à un tous "ses" chers joueurs.
Plusieurs d'entre eux l'accompagneront une ultime fois lors de ses obsèques en septembre 1991 tandis que Célestin Oliver, international amateur que Louis Dugauguez a fait venir de Mostaganem avec son frère Christian, a la larme à l'oeil, évoque avec émotion et sincérité "un grand bonhomme, un véritable meneur d'hommes, un roc, un dur, un simple, un gentil aussi. Beaucoup de choses à la fois !"

En septembre 1999, le conseil municipal de Sedan décide à l'unanimité que le nouveau stade porterait son nom. Un choix judicieux et ô combien reconnaissant...

CLAUDE LAMBERT

"Un meneur d'hommes..."

Alors joueur à l'ASPTT Nice, Pierre Tordo a fait la connaissance de Louis Dugauguez en juin 1962 lors d'un match amical opposant Sedan au grand Racing. Puis, en juillet 1973, il devint son adjoint avant de lui succéder en tant qu'entraineur du club ardennais.

Comment avez vous découvert votre nouveau coach ?

"J'ai tout d'abord eu Gaëtan Chrétien en CFA. Je savais seulement que Louis Dugauguez avait une certaine aura dans la région. Il était "le patron" et il était respecté. Certain chez les jeunes en avaient un peu peur... Alex Rozak blessé, il m'a fait débuter le jour d'un derby Reims-Sedan alors que je devais jouer en lever de rideau !"

Avec le recul nécessaire, quel portrait dressez-vous de Louis Dugauguez ?

"C'était avant tout un meneur d'hommes. Il n'avait pas son pareil pour motiver un effectif dont il avait la charge. Dans ses causeries, il était plus physique que technique. Pour moi, c'était l'entraineur idéal en Coupe de France. Il ne craignait personne et il fallait "rentrer" dans l'adversaire avant tout... Il savait diriger, motiver et il aimait que les gens soient derrière lui. Ancien instituteur, il était pédagogue mais je l'ai vu aussi pousser de sacrées "gueulantes" et les murs du vestiaire tremblaient quand ça allait mal... Ah ! le match du jeudi et les séances au Vélodrome je ne vous dis pas, ce n'était pas "de la tarte", croyez-moi..."

Vous lui avez succédé en tant qu'entraineur...

"Oui, de toute façon je l'aurais suivi les yeux fermés. Ses paroles étaient presque d'Evangile ! Il m'a poussé, il m'a fait confiance aussi alors que le club était en Division 2. Je n'ai pas de gros reproches à formuler à son encontre..."

Selon vous, quel est l'entraineur actuel qui lui ressemble le plus ?

"Moi je vois bien Antoine Kambouaré, le coach d'En Avant Guingamp. Un petit club sans gros moyens où il tire le maximum des garçons dont il dispose. Il doit avoir une main de fer tout en étant proche de ses joueurs..."

PROPOS RECUEILLIS PAR CLAUDE LAMBERT