Comme quoi, tous les chemins peuvent mener au CSSA. Même quand on a réalisé ses premiers dribbles au cœur de Tokyo, à près de 10 000 kilomètres du stade Louis-Dugauguez…
La preuve : juste après le déconfinement, les Vert et Rouge ont fait dans l’exotisme, en s’attachant les services de l’ailier japonais Alpha Kubota (24 ans), qui a tout pour être l’une des grandes attractions de la saison 2020/2021.
Des réflexions racistes dures à encaisser
Quart de finaliste de la dernière Coupe de France avec le SAS Épinal, le jeune nippon abattra une carte importante, cette année, lui qui rêve par-dessus tout de percer au plus haut niveau. « C’est pour ça que j’ai choisi Sedan, malgré plusieurs sollicitations d’équipes de National et de N2, confie-t-il. Car le CSSA, c’est un club qui a pour projet de vite retrouver le statut professionnel. Comme moi… (rires) »
Un vrai objectif pour le natif de Tokyo. Presque une obsession même, qui l’a d’ailleurs poussé en 2015 à un choix radical : quitter son pays et sa famille proche pour venir s’installer en France, où vivent quelques-uns de ses oncles et cousins. Histoire de tenter sa chance « dans l’un des tout meilleurs championnats d’Europe » et d’échapper en même temps au racisme qui commençait à l’étouffer sur l’archipel. « Mon père est originaire de Sierra Leone et c’est vrai que des métisses, il n’y en a pas beaucoup au Japon , raconte-t-il. Je me souviens que quand je jouais là-bas, on me disait souvent de retourner dans mon pays… À la fin, je ne supportais plus certains regards. »
Cinq ans après son départ, Alpha Kubota ne regrette rien : « J’adore la mentalité d’ici », précise-t-il dans un français parfait, juste agrémenté d’un charmant accent qui rappelle constamment ses origines asiatiques. « Au début, ça n’a pas été simple, car je ne connaissais que deux mots : “oui” et “ça va” ! Je ne comprenais pas du tout ce que l’on me disait, ce qui n’était vraiment pas évident quand les coaches donnaient des consignes (rires). Mais depuis, j’ai énormément progressé. Certes, la nourriture et la famille me manquent toujours autant, mais je me sens bien. Ici, en France, j’ai le sentiment d’être considéré comme un joueur de foot et une personne comme les autres. »
“Quand je suis arrivé, je ne connaissais que deux mots de français”
Sur les terrains de l’Hexagone, le Japonais n’a toutefois pas connu que des réussites avec Drancy (N2), Lorient (où il a failli signer pro en Ligue 2 suite à un essai) ou encore Montceau-les-Mines (N2). Mais il vient de vivre deux saisons magiques à Épinal (N2, 41 matches joués) avec, à la clé, « deux superbes aventures en Coupe de France » : d’abord un 7e tour en Martinique la première année, puis l’hiver dernier, un but face à Sochaux (Ligue 2, 2-0) et un quart de finale contre Saint-Étienne (Ligue 1, 1-2). « Ça reste, pour le moment, le meilleur souvenir de ma carrière », assure l’attaquant polyvalent.
Confiné seul dans son appartement
Durant l’intersaison, son profil a séduit l’entraîneur du CSSA Grégory Poirier et le directeur sportif Julien Fernandez : « Alpha, c’est un garçon qui a une très bonne mentalité et de belles qualités techniques, détaille ce dernier. Il est rapide et percute beaucoup. Maintenant, il a quand même pas mal de points à améliorer : il doit faire de meilleurs choix et être plus efficace dans la zone de vérité. »
Le joueur nippon en est bien conscient : « Il va falloir que je franchisse encore un cap cette année », souffle-t-il. En attendant, ces derniers jours, il a pris énormément de plaisir à retrouver les terrains, ses copains connus à Drancy (Aziz Dahchour, Abdoul Bila, Djessy Bassimba…) et à faire connaissance avec ses nouveaux coéquipiers. « Après une telle coupure, ça fait beaucoup de bien, savoure-t-il. Surtout que moi, le confinement, je l’ai passé tout seul dans mon appartement à Épinal. Et ça a été très long… »
Le jeune ailier a désormais six semaines et demie devant lui pour parfaire sa forme avant le début du championnat. « Il va falloir que l’on soit prêts dès la première journée , conclut-il. Car moi, ce que je veux, c’est aller chercher la montée et réussir à jouer le plus haut possible avec Sedan. »
Le ton est donné. À la nouvelle flèche ardennaise, maintenant, d’atteindre sa cible. Sur le terrain.