04 avril 2005 > Chronique du passé

Il y a 19 ans

Allez Sedan.com

Depuis la création du club, il a été fait appel à des joueurs dont on attendait monts et merveilles car l’étiquette de « sauveurs » leur collait à la peau. En effet, ils avaient signé en faveur d’une équipe sedanaise qui était à la dérive et le salut ne pouvait passer que par eux…
Parfois, ce fut pari gagné et tout le monde pouvait s’en féliciter. Et, bien souvent, c’est lors de leurs débuts à Emile-Albeau qu’ils ont montré tout leur talent. Tel fut le cas en février 1986. Il y a 19 ans…


La saison 85-86 est déjà bien entamée pour un CS Sedan-Ardennes qui évolue en seconde division. Celui-ci n’a pas connu un début d’exercice dès plus brillant et pourtant il a enrôlé Simon Boyer (Reims), Eric Desrutins (Châteauroux), Pascal Bollini (Jarny) et Stéphane Pounewatchy (RC Paris).

Cela paraît nettement insuffisant car le onze de Pierre Tordo est à mi-saison dans les profondeurs du classement.

« On ne veut pas retourner en D 3 » clame Pierre Tordo qui ne tient pas en place si bien que les interdictions de banc de touche et de vestiaire se succèdent…

En coupe de France, le parcours des Sedanais s’arrête au… 8 ème tour, à domicile, devant la modeste équipe de Moulins ! Décidément, en ce début de janvier 86, rien ne va plus au CSSA et une question est posée publiquement : comment sortir de l’ornière ?

v A l’époque, les problèmes de l’équipe première n’affectent pas les rangs des juniors -drivés par Francis Dupuis- qui se comportent plus qu’honorablement en coupe Gambardella avec les Lagrange, Baudrillard, Hallou, Jacquier, Salpetier, Pinho et… Fouzari.

La rumeur enfle et court toute la ville : le CSSA va recruter un attaquant… étranger et cet avant-centre vient d’Amérique du Sud ! Sitôt officialisée, cette bombe à retardement -l’information provient de Montevideo- fait parler dans le Landerneau ardennais…

Son nom ? Julio Daniel Morales. Mais, sera-t-il le Messie tant attendu ? « C’est un jeune avant-centre qui marque des buts en division 1 uruguayenne » assure son compatriote Daniel Carreno qui porte le maillot lensois.

A Sedan, personne n’a oublié les venues de Santos Brown -en 74- et de Svetozar Martinovic -en 82- en tant que « buteurs-jokers ».

C’est par la filière… nordiste -Pierre Tordo est au mieux avec Romain Arghirudis, le directeur sportif lensois- que Morales, âgé de 21 ans, est transféré du Huracan Bueco, club où il a signé sa première licence à l’âge de 14 ans. Son talent -il est annoncé comme troisième meilleur buteur du championnat d’Uruguay qui vient de se terminer- et sa renommée ont déjà dépassé les frontières et les dirigeants ardennais espèrent avoir eu la main heureuse.

« Nous pouvons encore nous sauver et donc avec un tel renfort nous jouons banco » déclare le coach sedanais qui espère que « son » joueur sera qualifié au plus vite. La venue de Morales est facilitée par la « disparition » de l’Allemand Norbert Rolshausen mais une dérogation doit être accordée à Sedan

Morales, présenté comme un « garçon friand apparemment d’horizons nouveaux » aurait pu faire quelques piges au Brésil, en Argentine, en Colombie ou encore en Bolivie où il aurait pu disputer nombres de tournois, a préféré venir en Europe et c’est Tordo en personne qui va le chercher à Roissy !

Son contrat, il le signe à… Reims, chez une interprète, professeur d’espagnol. « Sedan a retrouvé le moral : Zorro Morales est arrivé » titre en « une » le journal « L’Union » à qui il confie « les rigueurs du froid ne me font pas peur » mais aussi « j’espère faire carrière en Europe pour des raisons économiques et je me suis même un peu opposé à l’avis de ma famille ».

Nouvelle arme du CSSA, Julio Daniel Morales est né le 5 février 1965 à Montevideo. Il vient de marquer 14 buts en une trentaine de matches de championnat uruguayen. « Il ne peut jouer qu’à un poste, celui d’avant-centre ! » affirme Pierre Tordo qui a pris la route de la capitale pour aller déposer le contrat à la Ligue nationale afin d’obtenir l’homologation au plus vite. Morales répond : « je sais que l’équipe de Sedan est dans une situation difficile et je me doute bien que si elle recherche quelqu’un, c‘est qu’elle en a besoin… »

Le goleador uruguayen -qui a pris pension au foyer du CSSA en compagnie de Pounewatchi, Hallou, Rolland et Bollini- débute sous ses nouvelles couleurs à Rouen… où Sedan s’incline (0-2). En Normandie, le club ardennais a sans doute dit adieu à la division 2…

« Il a montré d’énormes qualités techniques sur une pelouse gelée » note Tordo qui apprend que la venue de Limoges est reportée car la pelouse d’Albeau est impraticable.

L’équipe sedanaise se rend à Besançon où elle obtient le nul (0-0) et donc le compteur de Morales est toujours bloqué à zéro… L’Uruguayen a l’occasion de montrer tout son savoir faire lors d’un match amical disputé à Donchery en marquant deux buts au gardien de Saint-Omer (3-1).

« Sedan à quitte ou double » titre « L’Ardennais » le jour de la venue des Dunkerquois de Francis Smerecki. Ce 21 février 1986, lors de ce match avancé, on verra côte à côte Morales et Lagrange, ce dernier s’étant mis en vedette en Gambardella. « Sedan va avoir drôlement besoin de buteurs » devant un club que M’Bida, bien connu à Sedan, a quitté par la petite porte… Côté ardennais, Joël Trassart et Simon Boyer sont blessés et donc absents.

Le stade Emile-Albeau n’a attiré que 1.770 spectateurs. Il est vrai que le froid glacial a découragé plus d’un supporter et la pelouse n’est pas en bon état.

Pierre Tordo aligne Dupuis, Hallou, Luc Andry, Jean-Lou Lefèbvre, Sesniac, Curé, Sroka, Desrutins (puis Frappart), Lagrange (puis Bollinin), Morales et Solomenko. La formation dunkerquoise est composée de Hugues, Lise, Buisset, Westelynck, Tannal, Pillon, Caron, Huysman, Brodel, Bourré, Péron (puis Déon).

Dans les tribunes, tout le monde attend beaucoup de Morales et les supporters sedanais vont sans trop attendre l’applaudir à tout rompre…

Pour « L’Ardennais », en page « une », « Trois buts de Morales porteurs d’espoirs. Trois buts qui relancent Sedan » et, pour « L’Union », c’est « Morales frappe trois fois. L’attraction Morales quel spectacle ! » Le CSSA l’a emporté par 3 à 2.

Alors, ces buts ? Tout d’abord à la 20 ème minute : sur un service de Solomenko, Morales surgit en plein cœur de la défense maritime et récupère la balle devant Hugues qu’il mystifie et trompe d’une pichenette ; puis à la 51 ème minute : Sroka obtient un coup franc. Solomenko le joue rapidement pour Morales qui décoche un véritable tir de la tête et loge le ballon dans l’angle de la cage dunkerquoise; et enfin à la 66 ème minute : Tannai descend Lagrange dans les seize mètres. L’arbitre, M. Poulain, désigne le point de penalty où Morales pose le ballon qu’il catapulte dans les secondes qui suivent au fond des filets de Hugues, au prix d’un tir canon !

Pour Dominique Maingé, dans « L’Ardennais », « le public sedanais vient de découvrir un authentique goléador en la personne de Julio Daniel Morales, roi du terrain et qui quitta la pelouse sous les ovations des supporters ardennais qui l’acclamèrent sur l’air des lampions : Morales, Morales, Morales !… »

Pour sa part, Michel Quentin écrit dans « L’Union » à propos de l’Uruguayen « son premier but ? Un petit chef-d’œuvre ; voilà un avant-centre sachant jouer « sans ballon » ; l’attraction Morales vaut le spectacle à elle seule » et, dans le même journal, Gérard Kancel écrit « dans le froid ardennais, Julio, roi-soleil d’un soir, a brillé. Après avoir ouvert le score, le félin de Montevideo s’est agrippé aux grillages pour ne plus les lâcher. Avec le bras droit, il invite le public à partager sa joie. L’arbitre doit alors intervenir pour ramener le Sud-Américain, buteur comédien, sur terre… »

Dans le vestiaire sedanais, le Président Nix évoque « un match à émotions », Tordo fait remarquer « qu’il n’aura pas fallu attendre longtemps pour savoir si notre nouvel avant-centre est bon ou non » et, enfin, riant aux éclats, Julio Daniel se rappelle que, chez les jeunes, en sélection uruguayenne, il avait déjà fait parler la poudre en inscrivant neuf buts dans un même match !

Alors, trois -petits !- buts à Emile-Albeau…



Claude LAMBERT

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