Il y a 12 ans ... coup dur à Albeau

Durant toute son existence, ce bon vieux stade Emile-Albeau en a vu et les supporters qui s’y amassaient avec ! Des exploits, beaucoup de bonheur mais aussi de la déception ainsi que des moments de chagrin qu’on voudrait oublier mais impossible car ils restent gravés à jamais dans nos mémoires…

Parmi ces derniers, il en est un que 4.980 spectateurs ont vécu, impuissants et révoltés, qui s’est déroulé en février 1993… Il y a -déjà- 12 ans… La saison 92-93 débute avec l’annonce que la France organisera la Coupe du Monde 1998, l’espoir de se retrouver en finale au Stade de France et, qui sait… Quant au stade Albeau, il connaît un toilettage nécessaire car le service de sécurité interdit l’accès aux loges !

Le centre de formation du CSSA est agréé au quartier Fabert et, peu avant l’ouverture du championnat de division II (groupe A), le onze « fanion » sedanais -mais aussi l’Olympique de Charleville- est classé parmi les « angoissés » par le quotidien sportif « L’Equipe ».

Pourtant, les dirigeants ardennais ont recruté Jérôme Lebon (INF Clairefontaine), David Mionnet (Lens), Laurent David (Brest), Sergio Olivera (Penarol), Babylas Malonga (Le Havre), Anthony Weillenreiter (Metz), Jean-Marc Rodolphe (Le Mans), Thierry De Neff (Fontainebleau), Raoul Falero (Bella Vista) et… Jean-Louis Mazzeo (La Roche sur Yon).

Côté départs, on a enregistré ceux de Gomis, Mukengé, Hallou, Lefebvre, Badji, Prun, Siegmann, Fouzari, Schaller, Pinho, Erczeg, Philippe, Pavlov, Lecoq, Pierrel et Magny.

L’équipe de Sedan débute par un revers à la maison devant Alès puis elle est sanctionnée sur tapis vert… Mais, les poulains de Michel Leflochmoan s’en vont gagner en terre nancéenne si bien qu’ils se retrouvent leaders. Du coup, le journal belge « L’Avenir du Luxembourg » titre « Le CS Sedan sur les traces de son glorieux passé » !

A l’issue des matches aller, le CSSA est dauphin de Martigues, club entraîné par… Christian Sarramagna et qui compte dans ses rangs un ancien sedanais, Stéphane Pounewatchi.

A l’initiative du Président Francis Roumy, une « vieille famille » se retrouve dans les Ardennes. En effet, ils sont presque tous là, « Bebert » Eloy et Max Fulgenzy étant les seuls absents. Les nostalgiques de « la Belle Epoque » sont heureux car, à l’occasion du match de coupe de France Sedan-Troyes retransmis par « France 2 », ils peuvent revoir les « ardents Ardennais » d’antan à savoir Bochard, Carpentier, Pascal, Vincent, Robert, Rozak, Breny, Lefebvre, Tillon, Cuenca et les frères Oliver. A Emile-Albeau, le tour d’honneur des « footballeurs-ouvriers » est un véritable moment d’émotions…

Au CSSA, Romain Arghirudis est manager et l’équipe « réserve » -qui est alignée en division III- est confiée à Gérard Bellot. A Gravelines, ce dernier fait confiance à Siklenka, Cochart, Diallo, Boudier, Weillenreiter, Billoir, Gomis, S. Bellot, Mionnet, Vermandel, El Ouad, Skubi et Brandès. Les jeunes sedanais s’inclinent et demeurent à… la dernière place !

Le choc approche… En effet, le match Sedan-Martigues en est un ! Parmi les acteurs visiteurs, il y a Pounewatchy, lancé par Pierre Tordo, et qui se remémore une aventure en Gambardella sur le « crassier » de Trubert, les juniors sedanais étant alors sous la houlette de Francis Dupuis. Il s’en est allé à Beaune avant de poser ses bagages en Provence. Il a participé au match aller qui a vu le CS Sedan-Ardennes se faire littéralement étriller puisque défait par 3 à 0 !

Le jour « J » est arrivé: samedi 6 février 1993. En page « une », « L’Ardennais » titre « Sedan-Martigues : épingler le leader » et, en page « sports », ceci « Sedan-Martigues : le « big match ». 22, voilà le leader ! Le CSSA reçoit ce soir (19 h 30) une équipe provençale de plus en plus ambitieuse. Un sacré choc en perspective entre le premier et son suivant ».

Alors, comment se présentent les deux antagonistes ? Dans « L’Ardennais », on lit « la formation provençale est de plus en plus sûre d’elle et bien outillée dans toutes ses lignes. Quant à son homologue ardennaise, elle est à la recherche d’une nouvelle cohésion, elle qui est si à l’aise hors de ses bases et qui éprouve par contre beaucoup de difficultés à faire le jeu à domicile contre des équipes-hérissons ».

Pour Michel Le Flochmoan « cette rencontre arrive un peu trop tôt car plusieurs de mes joueurs ne sont pas revenus en forme optimale et cela crée des déséquilibres dans notre jeu. Mais, ne faisons pas la fine bouche, l’équipe s’accroche à sa deuxième place et reste qualifiée en coupe de France ».

Dans le camp martégal, Jean-Roch Testa, émoussé, n’est pas du voyage et par contre l’ancien Sedanais Didier Philippe va à nouveau fouler la pelouse d’Abeau.

Christian Sarramagna et ses joueurs sont prévenus : « ils risquent d’être surpris de l’ambiance les attendant. L’enceinte ardennaise prendra probablement une fois encore les allures d’un chaudron qui rappellera peut-être de bons souvenirs à l’ancien et talentueux ailier gauche stéphanois ».

Le lendemain, dans son édition dominicale, « L’Ardennais » titre « Sedan prend le leader au collet. Une revanche explosive. 3-0 à l’aller, 4-0 au retour : Sedan n’a fait qu’une bouchée du leader Martigues, se relançant parfaitement avant le grand derby ».

A l’appel de M. Quiniou, l’équipe sedanaise est composée de Rodolphe, Jacquier, Desseaux, P.-Y. David, Auniac, De Neef, Maennel, L. David, Mazzeo (puis Guery), Falero (puis Olivera), Songne alors que l’hôte aligne Durand, Sausse, Canet, Mazzoncini, Petrucci, Pounewatchy, Ferblantier, Benarbia, Ralaikera (puis Philippe) , Seatelli et Chavrondier.

Avant le coup d’envoi, Le Flochmoan a décidé de réintégrer Maennel dans l’entre-jeu. Bien vu car les buts vont s’enchaîner : à la réception d’un service pourtant raté de Jacquier, Maennel mystifie son adversaire direct d’un subtil passement de jambes et s’engage dans les six mètres pour fusiller Durand d’un magnifique tir croisé (11e : 1-0) ; le vif ailier Songné, véritable feu-follet, met son vis-à-vis dans le vent avant de servir Mazzeo devancé au dernier moment par l’arrière-garde visiteuse (27e : 2-0) ; Sedan inscrit un nouveau but d’anthologie avec au départ de l’action De Neef qui démarque sur le flanc droit Songné et celui-ci dépose le ballon sur Mazzeo qui conclue : du grand art ! (63e : 3-0) ; enfin, L. David, suite à un énième numéro de Maennel qui a amusé Durand, fusille Durand dans un délire indescriptible (88e : 4-0).

« C’était Sedan T.G.V. » écrit Philippe Mellet dans « L’Ardennais ». Il poursuit en ces termes : « 20 h 49. Ferblantier agresse Mazzeo. Le déraillement inexcusable. Mazzeo le maestro abattu en pleine allégresse. M. Quiniou brandit le rouge. L’incident terni une soirée de bonheur. L’ivresse du voyage était sedanaise, mais Martigues est bel et bien passé par la fenêtre ! Pourquoi donc alors avoir défenestré le n° 10 sedanais en route ? La suite du trajet, en tout cas, ne changeait rien à l’affaire. C’était Sedan T.G.V., pour une Très Grande Victoire ».

En effet, à la 68 ème minute de jeu, « sur un nouveau mouvement d’envergure des Sedanais, Ferblantier à la suite d’un très vilain geste blesse très sérieusement l’auteur du doublé sedanais. Un pugilat s’ensuit et Ferblantier est aussitôt exclu du terrain ».

Quant au journal « L’Equipe » il titre « Les larmes des héros. La grave blessure de Mazzeo a gâché la fête des Ardennais, pourtant auteurs d’un remarquable carton devant un leader martégal désastreux ». Et, l’envoyé spécial Pierre Ménès d’ajouter « Mazzeo aime le jeu, les une-deux, il a encore envie de se faire plaisir. Ferblantier se jette dans ses pieds. Un tacle comme on en voit si souvent, sans hélas en souligner systématiquement le caractère odieux ».

Dans le quotidien parisien il est évoqué « le mauvais état d’esprit de certains joueurs martégaux » et il est rappelé qu’ « il est bien délicat pour Sarramagna de défendre Henri-Claude Ferblantier, l’entraîneur de Martigues ayant subi, lorsqu’il était joueur, le même sort… »

« Mazzeo !. Mazzeo !… Oui, on se souviendra longtemps à Sedan de la standing ovation que réservèrent les supporters du CSSA à Jean-Louis lorsqu’il quitta prématurément le terrain sur une civière » note « L’Ardennais » qui donne le diagnostic : le stratège sedanais est victime d’une fracture ouverte du tibia. Son indisponibilité sera longue… Un sacré coup dur !

Pour le capitaine Jean-Sylvestre Auniac « quelle honte ! Heureusement, on a gagné… » ; « nous perdons un de nos meilleurs joueurs et la fête est complètement gâchée. Je suis satisfait de mon équipe mais là vraiment, nous sommes trop tristes (Michel Le Flochmoan) ; « après notre troisième but, j’ai dit à mes défenseurs de se calmer, de faire tourner le ballon parce que Martigues allait péter les plombs. Une minute après, ils nous envoient Jean-Louis à l’hôpital. C’est une honte » (Jean-Marc Rodolphe) ; « c’est un geste monstrueux « (Romain Arghirudis) et, dans le vestiaire d’en face, Christian Sarramagna lâche « c’est un malheureux accident, mon défenseur a joué le ballon. Je suis désolé pour Sedan… »

Toujours dans « L’Ardennais » ceci « ce geste bête et méchant qui prive une belle symphonie d’un de ses plus brillants solistes devrait avoir des suites judiciaires, le joueur et le club sedanais ayant l’intention de porter plainte pour coups et blessures ».

Mazzeo, convoité par plusieurs clubs pros, est sur la touche et Ferblantier est suspendu jusque la fin de l’année, au-delà ensuite.

Vient pour Jean-Louis Mazzeo l’inévitable période de rééducation à Saint-Jean-de-Monts …

Enfin, début avril 94, voilà son grand retour à l’occasion d’un derby Sedan-Charleville. Ce soir-là, M. Sars est au sifflet et Sedan reste maître à Emile-Albeau (3-0) avec notamment un but de… Mazzeo !

« Jean-Louis ! Jean-Louis ! » scandent à nouveau les supporters verts et rouges. Et, cette fois-ci, « notre » Jean-Louis a le sourire…





Claude LAMBERT


Note:
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