Il y a 54 ans ... Sedan-Sete en coupe
Ah ! Sète
Voilà que le club méridional vient de se présenter au stade Louis-Dugauguez ce qui, dans cette enceinte, fut une première.
Outre deux matchs en championnat de division 2 (saison 54-55), une seule opposition, en Coupe de France, entre Sedanais et Sétois, a déjà eu lieu et les vieux supporters ardennais sen souviennent encore
Cétait au temps des « footballeurs ouvriers » qui ont indiscutablement écrit une des plus belles pages de lHistoire de lU.A. Sedan-Torcy.
Cétait en 1951
Il y a -déjà- 54 ans
Nous sommes au début de la saison 50-51, celle qui vaut aux « ardents Ardennais » dalors de sengager au niveau national, en CFA -Championnat de France Amateur- dans le groupe « Nord ».
Sedan enrôle D.Carpentier (RC Paris), Chrobot (Chaumont), Freszack (Carvin) alors que la mutation de Duruisseau, joueur de lOlympique de Charleville, est refusée par la Commission Régionale de Contrôle de lAmateurisme.
A lépoque, les Sedanais sentraînent dès six heures du matin ! Serait-ce suffisant pour bien se comporter, c'est-à-dire se maintenir ? En amical, les Sedanais sopposent aux
pros nancéens qui sont tenus en échec. Puis, place à la compétition officielle contre Saint-Quentin, Caen, Montreuil, Béthune, Auchel, Oignies, Quevilly, Saint-Maur, Bruay et Bully.
Les Sedanais débutent en Coupe de France lesprit tranquille puisquen championnat, ils se retrouvent leaders en compagnie des « Lièvres bruyasiens ».
En Coupe de France, depuis les deux précédentes saisons, les « Unionistes » sont toujours restés les derniers représentants ardennais. A nouveau, le onze fanion sedanais se distingue : à Emile-Albeau, Soissons (8-1) puis Haumont (9-0) sont lourdement éliminés et, à Valenciennes, Vernon (1-0) est aussi écarté.
Pour les 16 èmes de finale, le tirage au sort oblige Sedan à se rendre à Dijon afin dy affronter Sète.
Si les deux antagonistes nont pas voulu saffronter sur le stade de « la Prairie», à Lyon, on a proposé du côté sétois Grenoble, Valence, Roanne, Saint-Etienne, Vichy alors quà Sedan on a avancé les noms de Besançon, Nancy et Reims. Finalement, le Bureau fédéral a donc désigné Dijon ! Pour ce que la presse qualifie de « grand voyage », on invite les supporters ardennais retardataires à se rendre chez M. Yvé, le chapelier de la rue Gambetta à Sedan. Son téléphone : le 7.41.
Le leader sedanais -meilleure attaque et meilleure défense du groupe- qui vient de simposer chez les Barabistes dOignies (3-0) est vraiment en pleine forme, notamment le gardien Roman qui sest permis de stopper deux penalties, semant ainsi le découragement chez ladversaire.
Très certainement, le journal « LArdennais » ne croit pas du tout aux chances des Sedanais car le match nest pas évoqué en première page de lédition du samedi-dimanche 3-4 février 1951. Par contre, en page « Sports », il est proposé le titre « A Dijon, lU.A. Sedan-Torcy face au F.C. Sète paraît capable de réaliser un exploit ».
Sète présente une belle carte de visite : déjà deux fois vainqueur de lépreuve et quatre fois finaliste. En championnat, léquipe nest pas au mieux et elle devrait être remaniée car Pironti est blessé et donc incertain alors que Arribi est remis sur pied.
Chez les Sedanais, on se rappelle que cest la troisième année consécutive quils accèdent aux seizièmes de finale : en janvier 49, à Delaune, le glorieux L.O.S.C. a brisé un rêve (défaite par 6 à 0 !) puis, la saison suivante, toujours à Reims, lArago dOrléans a été écarté grâce à Chrétien (1-0).
Pour « LArdennais », il est indéniable que « lactuel leader du championnat est considéré avec juste raison comme lun des meilleurs clubs amateurs français ». Messieurs les Sétois, vous voilà prévenus ! De plus, il est précisé que « Dugauguez peut compter sur treize hommes valides » et peut-être que la paire Kusmir-Martin sera mise au repos ». Et, de poursuivre « lan passé, Nice a été surpris et Sète ne pourra invoquer cette excuse
et la victoire de Sedan (si elle arrivait) naurait plus que de prix et ne serait que mieux accueillie
»
Toujours aussi enthousiaste et confiant, le journaliste de « LArdennais » termine son article ainsi : « Allez Sedan !!
Des milliers de sportifs ardennais sont de tout cur avec vous. Ils attendent de vous un nouvel exploit sachant quune partie de votre gloire rejaillirait sur notre petite patrie sportive
»
Lundi 5 février 1951. Curieusement, en page « une », ni « LArdennais » ni « LUnion » névoquent le match Sedan-Sète et donc logiquement le onze cher à Louis Dugauguez sest fait éliminer
Par contre, « LEquipe », sur huit colonnes, titre « Tempête sur la Coupe : Rennes et Sète balayés
par Nice (6-1) et
Sedan (4-0) ! Lexploit de Sedan : 3 buts en 3 minutes ».
Un vent violent souffle à Dijon à lentrée des deux équipes : Roman, Daniel Carpentier, Eloy, Nicolas, Cjekaj, Serek, Chrétien, Martin, Mathieu, Simon, Robert Carpentier et Pons, Renko, Foix, Mihoubi, Martin, Arribi, Antonio, Laborde, Favre, Cousin, Fontaine.
Avec « un peu plus de 5.000 spectateurs » il sagit là dun
« record local » ! Monsieur Bermès est au sifflet.
Le quotidien « LArdennais » a dépêché un envoyé spécial : Robert Sainmont. En page « Sports », sous le titre « Bien que privé de son animateur Dugauguez frappé par un deuil familial, Sedan a littéralement assommé Sète en inscrivant 3 buts entre la 32 ème et la 36 ème minute dune partie qui déchaîna lenthousiasme dans le stade », ce dernier écrit « le mérite des « vert et rouge » est dautant plus grand que cette magnifique victoire a été remportée par un onze privé de son principal animateur. Lentraîneur Dugauguez qui avait eu en effet la douleur de perdre son frère vendredi nétait pas à Dijon. Ses poulains lui ont apporté une magnifique consolation
»
Sur le terrain dijonnais, cest Martin qui remplace Dugauguez et Nicolas gagne le toss. Le capitaine ardennais choisit de jouer avec le vent. Dentrée, Sedan se montre dangereux. Larbitre accorde un penalty à Sète pour une charge dEloy sur Favre dans la surface de réparation. Roman arrête le penalty dune façon splendide et dégage tout aussitôt. La balle va à R.Carpentier qui brûle la défense sétoise et bat Pons dune façon imparable
Sedan mène 1 à 0 à la 32 ème minute !
Robert Sainmont écrit « Les applaudissements du public et les cris des supporters ardennais littéralement déchaînés ne sont pas encore arrêtés que Martin envoie le ballon pour la seconde fois dans les filets sétois (34e). Cette fois, cest du délire dans les tribunes : les chapeaux volent partout emportés par le vent. Alors que les derniers cris séteignent, Mathieu, à la 36 ème minute de jeu, porte le délire de la foule à son paroxysme : Sedan mène de 3 à 0 devant Sète. Est-ce possible ? Au repos, la marque est inchangée
»
Les Sétois vont à leur tour bénéficier de lavantage précieux du vent. « Vont -ils parvenir à remonter leur handicap et souffler la victoire aux Ardennais ? » se demande Sainmont qui ajoute tout aussitôt « on est vite rassuré. Bien que jouant contre le vent, Sedan parvient dabord à bien se défendre puis il passe à la contre attaque si bien quà la 66 ème minute, Martin parvient à prendre son partenaire Pons une quatrième fois en défaut. Cette fois, cest joué
»
Pour sa part, Marcel Perrier, lenvoyé spécial de « LUnion », accorde cet ultime but à Robert Carpentier auteur dun « centre-shoot détourné ».
La conclusion de larticle de Sainmont ? La voici : « Tout au long du match, on a admiré la sûreté et la solidité de léquipe sedanaise. Dans tous les domaines, les amateurs sedanais ont donné une véritable leçon aux pros sétois ce qui est infiniment malheureux pour notre football français mais particulièrement réconfortant pour notre football ardennais
Tous les Sedanais ont joué avec un cran admirable, une volonté farouche contre des adversaires soi-disant supérieurs. Le match qui plut infiniment aux sportifs dijonnais a déchaîné un enthousiasme indescriptible parmi les 300 supporters ardennais qui nont pas hésité à effectuer le long déplacement
»
Dans « LUnion », Marcel Perrier est tout aussi enthousiaste et, sous le titre « Sedan impose son jeu devant les « pro » sétois
et Robert Carpentier signe deux buts », il écrit « les joueurs sedanais ont offert une splendide victoire à Louis Dugauguez qui, ayant perdu son frère à Carvin, était absent, cest leur façon de lui prouver leur sympathie et de remercier leur entraîneur de ses leçons ». Il évoque les supporters ardennais en ces termes « ils se reconnaissent à leur coiffure, à leur cache-col vert et rouge et à la puissance de leur gosier ! » Et de préciser « les Ardennais débutent en trombe
La confiance règne dans le camp des bérets rouges
Et nous voici à 3-0 : score bien imprévu et très mérité
La défense sétoise est affolée à plusieurs reprises et dégage en touche. Les Méridionaux nont quun espoir : sauver lhonneur par nimporte quel moyen. Mais, Roman et sa défense sont intraitables et Sedan se qualifie somme tout aisément
»
« LEquipe » se distingue en évoquant en titre et dans le compte-rendu « Ramon » au lieu de « Roman » ! Et, Maurice Pefferkorn, lenvoyé spécial du quotidien sportif, écrit « ce ne sont pas seulement les qualités de cur qui ont assuré la victoire aux Sedanais et personne nosera leur contester quen technique pure, en intelligence du jeu, en conception et en réalisation de manuvre dans les dribbles comme dans la rapidité dintervention, ils prirent à peu près constamment lavantage sur un adversaire la plupart du temps privé de réactions. Léquipe sedanaise sest montrée ardente et volontaire
»
Aux vestiaires, on entend des propos différents avec, dun côté, lentraîneur sétois Tomazover « nous ne pouvons invoquer aucune excuse valable. Pour nous, cette défaite est un coup très dur alors quune victoire nous aurait consolés de nos déboires en championnat » et, de lautre, Maurice Laurant déclare « dites bien que nos hommes ont joué ce match pour offrir une victoire inespérée à leur cher entraîneur, Dugauguez. Nous venons de lui envoyer immédiatement après le coup de sifflet final un télégramme pour lui dire que tous ont joué pour lui pour adoucir sa peine si cela est possible. Cest en effet le fruit du labeur, de la confiance et de la haute qualité morale de cet homme que nous venons de recueillir ».
La presse sportive française est unanime
pour applaudir le brillant succès des Sedanais ! Cest ainsi que Dany Rebelloson, dans « France Soir », nhésite pas à écrire « lors du prochain tirage au sort, ladversaire de Sedan, quel quil soit, naura certainement pas envie de pavoiser » ; André Maréchal, dans « Paris-Presse-LIntransigeant » écrit « de vaillantes mais modestes formations provinciales figurent au tableau dhonneur. En tête, naturellement, Sedan. Les Ardennais plaisent (décidément) beaucoup à « Miss Cup »
Sedan, prix dexcellence ! » ; « Libération » nest pas en reste avec « Sedan écrase les pros sétois
Tempête sur Dijon : 4 à 0 ! La victoire de Sedan sur les professionnels de Sète ne se discute pas » ; Guy Champagne, dans « le Parisien Libéré », est catégorique « la supériorité de Sedan ne fut pas mise en doute par Sète. Sedan sannonce de nouveau comme une terreur pour les pros » ; René Lehman, le correspondant particulier de « LAurore», écrit sous le titre « Sensationnel ! Sète est éliminé par Sedan, héros du jour » ceci « En étouffant Sète, Sedan a merveilleusement illustré son tempérament bien connu de lutteur de Coupe » ; « Nord Matin » note qu« au tout premier rang des résultats dignes dattirer lattention des fervents de la balle ronde, il faut citer lélimination des Sétois par la rapide et dynamique formation sedanaise » ; pour A. Charlet, dans « La Voix des Sports », les pros sétois ont subi une défaite assez humiliante. Sans aucun doute, cest la victoire de Sedan qui fera le plus de bruit dans les milieux du football français
» ; René Cotteaux, dans « LEquipe », écrit « Sedan, spécialiste de lépreuve, a réalisé un exploit extraordinaire en infligeant 4 buts à 0 au F.C. Sète ».
Avant que la délégation ardennaise ne soit reçue par la municipalité dijonnaise pour un vin dhonneur partagé aussi par les Sétois, Maurice Laurant téléphone à Louis Dugauguez qui répond, dune voix coupée par lémotion : « embrassez-les tous pour moi et dites-leur que jamais je noublierai ce quils ont fait pour moi aujourdhui
» Puis, en pleurs, il raccroche
Joueurs et dirigeants ardennais doivent passer la nuit à Chaumont car leur car est tombé en panne et, le mardi, ils se déplacent au grand complet à Carvin pour assister aux obsèques de Georges, le frère de « Msieur Louis ».
Claude LAMBERT
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