Il y a 43 ans...

Cette saison, en Ligue 1, l’Olympique Lyonnais est bien parti pour conquérir une quatrième fois d’affilée le titre de champion de France. Les hommes de Paul Le Guen se révèlent intraitables à Gerland où ils demeurent invaincus. Qui va parvenir à leur faire mettre genoux à terre dans leur fief ?
Cette situation s’est-elle déjà produite au temps où les Sedanais opéraient en division 1 ? Oui… et regardons dans notre rétroviseur, en décembre 1962. Il y a 43 ans… A l’U.A Sedan-Torcy, cette saison 62-63 est celle des retours de Louis Lemasson et « Kiki » Perrin tous deux victimes d’une fracture de la jambe. Par contre, le club ardennais a perdu le Brésilien Faustino que l’on a retrouvé à Palerme, en Italie. Les jeunes Roger Lemerre et Michel Cardoni sont actuellement militaires mais souvent disponibles.

Et si Sedan réalisait une « bonne » saison ? A l’issue des matches aller, l’UAST se classe sixième et, pour améliorer cette position, les dirigeants ardennais n’envisagent pas de recruter. On fera avec un effectif qui donne satisfaction à un Louis Dugauguez qui espère aussi que le parcours en coupe de France sera le plus long possible.

Décembre 62 arrive et voilà que les Sedanais prennent le meilleur, au stade Emile-Albeau, sur leurs rivaux Nancéens (2-0). Ce résultat est perçu comme encourageant avant de se rendre à Lyon, adversaire redoutable et redouté car est présentement co-leader avec Bordeaux et ce après vingt journées de championnat.

« Match au sommet » clame la presse. Elle a raison car le onze ardennais va tout simplement se frotter au champion d’automne qui compte dans ses rangs Thadée Polak et Guy Hatchi, joueurs bien connus dans les Ardennes.

Les données sont simples : la défense lyonnaise s’est révélée n°1 en championnat et l’attaque n’étant pas très prolifique, cela nous vaut un leader « à l’économie ». A Gerland, Nancy, Angers, le Stade Français et Nice sont repartis bredouilles et les Lyonnais viennent de chuter à Nîmes ce qui rend les Ardennais plutôt optimistes.

Toute la semaine, les Sedanais ont préparé activement cette rencontre jugée « capitale ». C’est le jeudi qu’a eu lieu la traditionnelle confrontation avec les amateurs drivés par Gaétan Chrétien et les séances d’entraînement ont été menées tambour battant. Chez les joueurs, il y a quelques incertitudes notamment Jacob blessé au genou face aux Lorrains.

Dans son édition dominicale, « L’Ardennais » titre « Sedan joue gros à Lyon. Un succès : il peut être leader ». Dans l’article qui suit, il est rappelé que Lyon n’avait jamais occupé la place de leader depuis qu’il est en Division Nationale et qu’il tient à cette place ! Sedanais, vous voilà prévenus… En définitive, Polak mais aussi Di Nallo qui a dû donner des preuves de son bon vouloir à l’entraînement pour être titularisé ont été appelés ce qui n’est pas le cas de Djorkaeff.

Quant aux Sedanais, ils quittent les Ardennes par le rail dès le vendredi après-midi. Ils couchent dans la capitale avant de rallier Lyon où ils assistent, dans une salle rhodanienne, au film « Le jour le plus long ».

Ils ne partent pas favoris et le savent bien. Du coup, suivant la formule consacrée, ils ont tout à gagner et rien à perdre, eux qui sont tout de même revanchards car les Lyonnais l’ont assez nettement emporté à l’aller : 3-1.

Pourtant habituellement très discret quand il s’agit de formuler un pronostic, Louis Dugauguez n’hésite pas à déclarer, l’avant-veille de la rencontre « j’ai confiance ! Je crois que nous devons faire un bon résultat ». L’entraîneur est particulièrement satisfait car Jacob est remis sur pied et il mise sur ses deux ailiers -Salaber et Stamm- ainsi que « Ben » Salem, revenu à la vie civile, de nouveau en forme et qui a retrouvé le chemin des filets adverses.

Enfin, « M’sieur Louis » évoque l’autre affiche de la journée, soit Reims-Bordeaux. Comme quoi les deux clubs du Nord-Est sont actuellement au premier plan de l’actualité.

Dans les colonnes de « L’Union », on lit que « Sedan, pour Lyon, est un test de vérité, un sérieux obstacle à franchir sur la route de la consécration. Le onze ardennais a ses chances avec notamment la présence du tandem Michelin-Maryan au milieu de terrain et la vigilance du solide et ultime rempart qu’est le « grand » Alex Rozak ».

A Sedan, bizarrerie du calendrier, tout le monde joue à l’extérieur ! Mais, on espère qu’en C.F.A., groupe Nord, les frères Perrin Tordo, Barbin, Chiaruzzi, Barre, Poplin, Nicolas, Di Salvio, Herbet, Gasparini et le junior Simon -douzième homme- se comporteront au mieux à Dieppe alors qu’en Division d’Honneur les Aubry, Guglielmetti, Eloy, Mazay, Devos, Hourbette, Breny, Moine, Freszaak, Gérez et Chautard se rendront à Châlons.

Avant d’entrer sur le terrain, Bernard Chiarelli côtoie une vieille connaissance à savoir le délégué de la Ligue qui présume que la rencontre se terminera sur un score nul et vierge. Hatchi et Polak sont avec les Sedanais pour « tâter » la pelouse rendue très glissante par la pluie. Le Guadeloupéen veut entrer dans le vestiaire… sedanais mais un petit ramasseur de balle lui indique qu’il s’est trompé et doit aller au bout du couloir !

v Lundi 17 décembre 1962, sur huit colonnes, tout en haut de la première page, « L’Ardennais » titre « Exploit : Sedan gagne à Lyon : 2-0 » et, en page 13, « Salem : 2 buts, Rozak : une partie sensationnelle. Sedan a réalisé l’exploit attendu : il a infligé à Lyon sa première défaite à domicile. Sedan sut préserver son avance ».

A Gerland, côté lyonnais, Lucien Jasseron aligne Aubour, Novak, Polak, Mignot, Degeorges, Leborgne, Di Nallo, Hatchi, Rivoire, Combin, Rambert et, chez les Sedanais, Louis Dugauguez mise sur Rozak, Lemasson, Jacob, Fulgenzy, Michelin, Maryan, Roubaud, Brény, Salaber, Salem, Stamm.

Le match d’ouverture a été annulé afin de ne pas rendre le terrain trop mauvais si bien que les conditions sont acceptables au coup d’envoi donné par M. Poncin.

A l’entrée des deux équipes, les pétards crépitent et les crécelles se font entendre dans les tribunes. Quarante-cinq minutes plus tard, les supporters lyonnais sont littéralement… catastrophés car l’hôte ardennais mène au score.

Après un début de partie assez équilibré, on voit des Sedanais dominer territorialement et attaquer avec détermination !

A Lyon, Polak joue en « balayeur » demi et arrière mais, cette tactique se révélera-t-elle payante ?

36 ème minute : sur un dégagement de Rozak, Brény reçoit sur la gauche la balle de Jacob et il réussit à centrer malgré Mignot. Polak, devant le danger, veut donner à son gardien Aubour, mais Salem intercepte et du bout du pied expédie le ballon derrière la ligne.

Cinq minutes plus tard, une contre-attaque de Maryan amène le second but : de son aile gauche, Stamm réussit à centrer et, dans les airs, Aubour ne peut contrôler un ballon que Salem accompagne au fond des filets lyonnais. Doublé pour l’avant centre sedanais !

Jacky Stamm donne encore du fil à retordre à la défense locale mais la pause est sifflée sur un score inchangé.

A la reprise, les Ardennais ont maintenant le soleil derrière eux ce qui gênera moins Rozak et ses arrières. Quant au leader lyonnais, il veut se reprendre… Mais, bien souvent, la défense ardennaise ne s’affole pas et elle s’impose ! A l’image d’Alex Rozak qui n’hésite pas à sortir à bon escient et à plonger dans les pieds adverses, à dégager des deux poings sur plusieurs corners. « Le gardien sedanais décourage littéralement les attaquants lyonnais. Du grand Rozak ! » écrit Daniel Ferrières, l’envoyé spécial de « L’Ardennais ».

Les visiteurs tentent de conserver le ballon. Le temps passe… Il faut s’accrocher d’autant que Lyon se fait pressant, épuise ses forces vives par des attaques désordonnées. Sedan tient toujours et Rozak, décidément intraitable, est très applaudi lorsqu’il plonge en coin, préservant ainsi une victoire… qui permet à Bordeaux, victorieux à Delaune du Stade de Reims (3-1) d’être seul en tête…

Dans le vestiaire ardennais, Louis Dugauguez est catégorique « nous n’avons jamais tremblé et, somme toute, le match fut assez facile ». Pour sa part, le Président Lucien Laurant avoue « je ne sais pas pourquoi mais j’étais certain que nous ne pouvions pas perdre ce match : j’aurais pris n’importe quel pari avant la rencontre. Je crois que maintenant les gars sont persuadés de leur force collective ».

Daniel Ferrières met en exergue le succès ardennais en ces termes « 2-0, l’addition n’est pas trop lourde. La revanche est prise de belle façon et elle se double d’une magnifique performance. Sedan a réalisé ce qu’aucune formation n’a pu mettre à son actif cette saison : réussir à battre Lyon sur son terrain »

Dans « Paris-Jour », Ph. Vourron note « plus de sûreté défensive et de réalisme offensif, voilà des qualités retrouvées dans le camp sedanais. On est dans l’obligation de constater que dans cette confrontation Lyon-Sedan, les jeunes de Dugauguez se sont montrés les plus forts ».

Et, pour M. Lecomte, dans « le Parisien Libéré », « leur succès, les poulains de Dugauguez l’ont construit en première mi-temps grâce à l’opportuniste avant-centre Salem qui, à l’image de toute l’équipe sedanaise, avait le punch. Menant 2 à 0, Sedan avait le match en main. Le succès a paru des plus logiques aux quelque 11.000 spectateurs ».

Heureux que son pronostic se soit révélé exact, le Président Laurant offre le champagne au retour à l’hôtel. Un beau geste à renouveler encore et toujours puisque l’UAST remporte les dix matches suivants…



Claude LAMBERT





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