Troyes-Sedan, il y a 35 ans ...

Sedanais et Troyens vont donc se retrouver cette saison en Ligue 1. Leurs confrontations ont souvent enthousiasmé des supporters qui évoquent parfois une certaine « suprématie régionale », n’en déplaise aux voisins rémois ! Tel est le cas en octobre 1971… Il y a -déjà- 35 ans…
La saison 70-71 se termine de douloureuse façon pour la formation ardennaise à qui échoit la dernière place du classement de championnat de division 1 ! Ce sont les Valenciennois et les Strasbourgeois qui accompagnent les Sedanais à l’étage inférieur.

Au CSSA, on voit partir Gérald Zamojski au RC Strasbourg, le gardien Jackie Rose s’en va à Laval et au même poste arrive le guyanais Michel Jérôme.

Quant au proche AC Mouzon, il opère aussi en « National » et, pour bien s’y comporter, il enrôle Jean-Claude Suray, Michel Collinet et Eric Danty qui revêtiront aussi le maillot sedanais.

Décidément, en ce début d’exercice, les Sedanais sont en forme puisqu’ils écrasent littéralement Lens (6-0), Cambrai (5-0) et Quevilly (7-0). Et ils doivent se déplacer en terre troyenne…

Quant aux amateurs, ils reçoivent Aulnoye actuellement leader du groupe Nord de la division 3. Pour ce match qui se déroulera dimanche à 15 heures au stade Emile-Albeau, Gaétan Chrétien présentera « un onze équilibré et animé des meilleures intentions ». On devrait juger des possibilités de l’espoir et buteur sedanais Alain Massenhove : arrivera-t-il à s’imposer face à une redoutable défense nordiste ? Ses coéquipiers se nomment Jérôme, Brény, Cousin, Farrabi, Chiaruzzi, Differding, Paris, Barre, Chrétien et Roy, Devin étant réserviste.

En semaine, « L’Ardennais » titre « A Troyes c’est la fièvre et à Sedan on se prépare ». Et d’ajouter « on s’attend à la chute du record absolu d’affluence qui est de 14.000 personnes lors d’un certain Troyes-Racing disputé en 1954. Dirigeants et responsables se démènent pour faire agrandir la contenance du stade, pour assurer le bon déroulement de la rencontre et de ses à-côtés grâce à un service d’ordre très important. Fièvre aussi chez les joueurs soumis à un entraînement spécial… Ils seront mis au vert et Flamion a préparé un plan de bataille ! » Ce dernier déclare que « pour les Troyens, la rencontre a l’importance d’un match de Coupe d’Europe ! »

Les Sedanais, avec leur passé récent de Division 1, n’ont pas oublié qu’ils ont affronté des équipes plus fortes que n’importe quelle formation de National et Louis Dugauguez d’affirmer « nous sommes conscients et confiants. Nous sommes préparés avec sérieux et application. Notre meilleure chance sera d’être calme et de savoir garder notre sang-froid : ce sera capital dans cette partie ».

Bernard Caron sera douzième homme car Mustapha Dahleb a été appelé en Algérie pour effectuer le service social prévu à son âge par conscription et sa situation d’étudiant lui permettra peut-être d’obtenir un sursis.

La veille du match, sous le titre « Le CS Sedan à Troyes : un sommet sans concession », il est écrit dans « L’Ardennais »: « Match vedette au stade de l’Aube à Troyes ! Match d’envergure ! Si Troyes l’emporte, il pourra se croire autorisé à toutes les ambitions et si c’est Sedan le vainqueur, il prendra le poste de leader, son goal average lui donnant priorité. A Sedan, on envisage cette étape du championnat comme importante -certes ne serait-ce que pour le « coup de clairon » d’une victoire sur les « invincibles » Troyens- mais ce n’est en fait qu’un épisode d’un marathon qui n’est pas terminé… Le Mohonnais Pierre Flamion a battu le rappel pour préparer sa toute meilleure équipe. A Sedan, on comptera sur l’expérience des « anciens » qui peut être déterminante et aussi sur le « punch » des Wicke, Dellamore, Pierron qui devraient pouvoir surprendre une défense troyenne réputée certes mais peut être battue de vitesse. Et puis il y aura un millier d’Ardennais pour les soutenir… »

Sedan se présente sur la pelouse avec Tordo, Beaurain, Rastoll, Le Bihan, Fugaldi, Cardoni, Pierron, Salem, Wicke, Médot, Dellamore et Caron alors que Troyes aligne Formici, Jacques, Grégoire, Cordier, Artelesa, Fiévet, Buret, Dumas, Plieimelding, Rachic, Puciberg et Roy. Le trésorier aubois dénombre 11.303 entrées payantes et l’arbitre est M. Verbecke.

Edition du lundi 18 octobre 1971 de « L’Ardennais » : le lecteur découvre le compte rendu de l’envoyé spécial Daniel Ferrières intitulé « Troyes-Sedan : 1-1. L’honneur est sauf… mais tout le monde est resté sur sa faim. Sedan : un bon départ et des occasions manquées ».

On peut lire « la montagne promise a accouché d’une souris : la confrontation des deux formations en tête de classement n’a pas tenu ce qu’elle promettait… Sedan a dominé le débat et joué de façon positive, ordonnée, sérieuse durant vingt minutes environ, la suite de la rencontre fut une déception… Après avoir ouvert le score (passe de Pierron en retrait sur Salem qui, d’un tir du gauche d’une vingtaine de mètres, marque imparablement, 11e) les Sedanais jouèrent avec le feu en « laissant venir » leurs adversaires, en comptant sur leur organisation défensive pour pratiquer le contre. L’égalisation troyenne (sur un corner tiré par Puciberg, Fugaldi met le pied et la balle prenant de l’effet trompe Tordo avancé, 36e) ? Tout simplement une sorte de punition pour cette passivité offensive… En seconde mi-temps, les locaux vont accrocher, pousser, hacher le jeu, énerver des Sedanais qui tombèrent dans les mêmes errements que leurs adversaires. Sedan, avec Wicke blessé -dès avant le match- Dellamore et Pierron furieusement secoués par leurs gardes du corps, ne parvint pas à se libérer de l’emprise adverse. Jeu échevelé et Troyes s’effondra littéralement à l’entame du dernier quart d’heure. Servi par Dellamore, le jeune Pierron réussit à mettre la balle… sur le poteau ! Sedan ne parvint pas à faire pencher la balance de son côté… L’honneur fut sauf pour les deux protagonistes : ni vainqueur, ni vaincu… »

Dans le vestiaire sedanais, Louis Dugauguez explique : « c’est un peu par excès de confiance après le but marqué que nous avons « laissé venir ». C’est aussi pour cela que Fugaldi au lieu de dégager la balle a voulu l’amortir et marqué contre son camp. J’en suis convaincu : Troyes était à notre portée… »

Pour Pierre Flamion : « bien que nous soyons les leaders, nous n’étions pas favoris. Alors ? C’est bien d’avoir tenu Sedan en échec. Je suis content de ce résultat et mes joueurs m’ont fait plaisir de se battre jusqu’au bout. Sedan est certes plus complet, mais il ne nous a pas marché sur le ventre ! »

Spectateur attentif, Raymond Kopa avoue : « je suis ni déçu ni emballé… Ce ne fut pas un spectacle de haute qualité mais dans un match comme celui-ci, on ne sacrifie pas à la beauté du geste. Sedan était le plus fort mais n’a pas su le traduire devant Troyes plus accrocheur ».

Enfin, Dominique Grimault, envoyé spécial de « France Football », écrit sous le titre « Une fête à moitié réussie » que « Sedan, c’est un nom, un club qui évoque grand nombre de souvenirs au public français. Sedan, c’est une équipe spectaculaire et efficace que toute la ville sportive de Troyes voulut à toutes forces découvrir. Il en résulta un enthousiasme délirant et bien compréhensible aux abords d’un stade de l’Aube qui s’était déshabitué à connaître pareille fête depuis une lointaine époque remontant à quelque vingt années. Le climat était chaleureux à Troyes. Le match, lui, ne le fut jamais. Dommage ».


Claude LAMBERT

Note:


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